Ğeconomicus à Bourgoin-Jallieu
- Jeu le 25/07/2021
- Bilan écrit le 22/08/2019 par Matograine
- Animateurs – Matograine, HubuH, Lousyet
- Jouærs – 14
Introduction
Bonjour !
Le collectif Monnaie Libre Lyon a organisé un Ğeconomicus le 25 juillet dernier. Ce jeu “sérieux” est une expérience permettant de comparer des systèmes monétaires.
Nous avons accueilli 14 joueuses et joueurs (jouæs)à Bourgoin-Jallieu, chez André. Les parties ont eu lieu en extérieur, et ont donné lieu à des échanges enthousiasmés. Sur les quatorze jouæs, quatre avaient déjà joué au Ğeconomicus. Ceci a pu jouer dans la partie.
La partie monnaie libre a eu lieu le matin, la monnaie dette l’après-midi, nous avons fait un bilan et une présentation de la monnaie libre en fin d’après-midi.
Le Ğeconomicus “à la lyonnaise”
Les règles du jeu sont disponibles ici. Elles sont définies pour une monnaie libre et une monnaie dette.
La manière de jouer à Lyon diffère un peu de ces règles, je vais d’ailleurs créer un document pour expliquer ces modifications. Les voici :
- Chaque partie est jouée en 8 et non 10 tours. Nous avons observé que 8 tours sont suffisants pour observer des crises en monnaie-dette, et que les joueurs sont souvent las les deux derniers tours.
- Nous ne jouons pas les révolutions techniques. Nous observons cependant si quelqu’un forme un carré de cartes hautes.
- Nous jouons avec des quintuplets de cartes, et non des carrés. Ceci facilite la mise en place du jeu.
- Chaque tour dure 4 minutes et non 5 (c’est un point de détail)
- Nous jouons la partie monnaie libre avant la partie en monnaie dette. Habituellement, la partie monnaie-dette a lieu en premier, ce qui crée des biais dans les conclusions. Jouer la monnaie libre en premier permet de retirer ces biais en comparant plusieurs parties, j’y reviendrai.
- Nous avons en monnaie libre un système de jeton fort valant 3 et jeton faible valant 1, qui facilite grandement la compréhension par les jouæs. Il est expliqué dans ce compte-rendu.
Par ailleurs, nous utilisons l’excellent logiciel Ğecohelper, qui nous facilite grandement l’animation.
Un des co-animateurs a joué le rôle de croupier (mélange des cartes et préparation de 4+1 cartes à donner aux jouæs après formation d’un carré). Ceci facilite la vie des joueurs. Nous avons indiqué que le troc était interdit et ne permettait pas de réellement tester les systèmes monétaires. Nous n’avons pas mis en place de “police” pour surveiller les échanges. En effet, nous avons observé dans des parties précédentes que la présence de la “police” incitait certaines jouæs à tricher, par défi : un comportement à éviter.
Enfin, vu le nombre de jouæs, nous avons préféré mettre les “morts” sur le coté et leur faire passer un tour pour gérer leurs informations, pour limiter les temps morts entre chaque tour. Chaque jouæ a donc joué 7 tours sur les 8.
Observations
Monnaie libre
Les jouæs ont mis environ 2 tours pour bien comprendre les règles. Les échanges ont un peu balbutié durant ces deux premiers tours. Le fait d’avoir des personnes ayant déja joué, et deux co-animateurs, a bien aidé leur compréhension.
Lors de la création du DU à chaque tour, les jouæs se sont vite rendu compte que celleux qui avaient plus de 7 DU voyaient leur compte diminuer, et celleux avec moins voyaient leur compte augmenter. Les jouæs ont donc vite cherché à se débarrasser de leur monnaie à la fin du tour en l’échangeant avec des cartes.
Une joueuse a pris le rôle de “récupératrice de monnaie”. Elle disait “les autres ne veulent pas de leur monnaie, je suis sympa, je prends”. Cette même joueuse indique avoir accepté des échanges pas forcément en sa faveur (générosité), alors qu’elle a eu un comportement stratégique en monnaie-dette.
Le ressenti général en monnaie libre était une fluidité dans les échanges et un enthousiasme palpable. Un joueur a indiqué que cette première partie l’avait aidé à faire connaissance avec les autres. Une autre a indiqué qu’elle avait envie de jouer lors de cette première partie, alors qu’elle a été lassée en monnaie-dette.
Passons maintenant aux résultats :
On observe que la moyenne de création de valeur est à environ 37 unités, qu’aucune jouæ n’est sous le suile de pauvreté (calculé à 60% de la création médiane de valeur) et que l’écart-type est autour de 25%. Notons que ce graphique prend en compte le fait que les cartes valent trois fois plus en monnaie-libre, c’est donc bien la création de valeurs qu’on regarde.
On observe que la masse monétaire est stable, autour de 100 unités, avec une moyenne de 7 unités. Les variations dans cette masse monétaire viennent de la mort de joueurs ayant beaucoup de monnaie, mais cela ne perturbe la masse monétaire que temporairement.
6 jouæ ont accédé aux cartes de valeur forte en monnaie libre
Monnaie Dette
Les jouæs connaissaient déjà les règles. La plus grande partie (13) ont pris un crédit en début de partie. Ce nombre est plutôt supérieur a ce qu’on observe habituellement. La présence de jouæs ayant déjà joué explique peut-être cela.
Les jouæs ont vite compris que les crédits créaient la monnaie quand les remboursements les détruisaient. Une joueuse évoque le “coup de massue” du remboursement du crédit. A partir du 3 ou 4e tour (nous y reviendront), iels ont adopté un comportement collectif : la plupart cherchaient à contracter autant de crédit que leurs cartes leur permettait. Une joueuse a ainsi eu un maximum de trois crédits en cours en même temps.
Les jouæs se plaignaient d’un manque de monnaie et d’échanges plus difficiles qu’en monnaie libre, cependant la masse monétaire moyenne est restée autour de 1 unités/jouæ, ce qui est suffisant pour que l’économie ne soit pas bloquée, et nettement supérieur à ce que j’ai pu observer lors d’autres parties où on est autour de 0.6 unités/jouæ.
Au niveau du ressenti :
Une joueuse remarque que, aux moments où l’économie était bloquée faute de monnaie, les jouæs qui avaient de la monnaie décidaient du jeu et de ce qui était échangé. Elle observe que les relations entre joueurs changent du fait de la possession de monnaie, de leur “statut social” d’une certaine façon.
On remarque également que le fait d’échanger les cartes paraît absurde en monnaie-dette (une joueuse à demandé à arrêter dès le 3eme tour et non en monnaie libre. De façon similaire, le fait de lâcher les cartes au moment de la mort est douloureux en monnaie-dette et pas en monnaie libre : le travail est perçu comme difficile.
Les jouæs one vécu une partie tendue, où les échanges étaient difficiles. Une joueuse a délibérément choisi de ne pas jouer : elle est restée plusieurs tours sur le coté, avec trois cartes de valeur moyenne à la main Cette joueuse indique qu’elle avait envie de jouer en monnaie libre, et non en monnaie dette. C’est durant cette partie que les jouæs, impatientes, ont demandé si la partie se terminerait bientôt. Ceci est peut-être aussi dû à la chaleur.
Un joueur remarque qu’en monnaie libre, les règles sont simple à comprendre, alors qu’en monnaie-dette, il s’est senti soumis à l’arbitraire du banquier. Les règles de la création monétaire sont compliquées, cela ne donne pas confiance.
Voyons donc les résultats :
On observe que les jouæs, sans la banque, ont créé environ 18 unités de valeur en moyenne, soit deux fois moins qu’en monnaie libre. On a pu l’observer dans la partie : Seule 1 jouæ a accédé aux cartes de valeur forte en monnaie dette. Ceci est à mettre en rapport avec les 6 en monnaie libre : moins de travail a été reconnu comme valeur en monnaie-dette.
On voit également que deux jouæs sont légèrement sous le seuil de pauvreté, contre aucun en monnaie libre. L’écart-type et autour de 40% contre 25% en monnaie libre : les résultats du jeu sont plus inégalitaires.
Avec la banque (qui réprésente les avoirs des humains qui les possèdent), les résultats sont encore plus parlants. Le seul banquier, en vendant le service de création monétaire et sans faire d’échanges de cartes, a un résultat 4 à 5 fois supérieur aux meilleures jouæs. L’écart-type s’envole à 130% : le seul rôle de la banque banque rend le jeu extrêmement inégalitaire.
La masse monétaire fournit un résultat que j’ai rarement observé lors d’un Ğéconomicus. Si on observe (comme souvent) une contraction de la masse monétaire au tour 3, elle reste ensuite stable jusqu’à la fin. En tant que banquier, j’ai observé que les jouæs sont venues régulièrement prendre des crédits, souvent de façon consciente, en disant “il faut faire des crédits, sinon ne on peut plus échanger”. Iels ont mis en place une stratégie collective. La partie se déroulant l’après-midi, iels connaissaient mieux les règles et ont joué avec.On observe ce choix de vouloir de la monnaie pour échanger lors du dernier tour, où quatre crédits sont pris parce que “de toute façon on s’en fout, après c’est fini”.
Remarques générales et comparaisons
Un joueur remarque que le jeu n’est pas conforme à la réalité, car il n’y a pas de revenu régulier (salaire). On lui répond que le travail est bien représenté par les échanges de cartes, et que chaque tour représente 8 ans : sur 8 ans, la stabilité de revenu par le salaire n’est pas non plus assurée dans le monde réel. Dans le même esprit, une autre indique que, “en vrai” on crée de la valeur par son travail alors que dans le jeu on n’en crée pas. On lui répond que la création de valeur est représentée par le fait de récupérer une carte de valeur supérieur après avoir formé un carré.
Voici les résultats des deux parties, pour comparaison :
Comparaison de différents Ğéconomicus, observations complémentaires
Inversion des parties
Dans la plupart des Ğeconomicus, la partie “monnaie dette” se joue en premier et la partie “monnaie libre” en deuxième. Des comportements stratégiques collectifs sont observés en monnaie libre, et sont mis au crédit de la monnaie libre.
J’ai animé trois Ğeconomicus en inversant les parties, comme nous l’avions essayé à saint-laurent-du-pont. Dans ce cas, on observe des comportements stratégiques collectifs en monnaie-dette : ces comportements sont donc liés à la meilleurs compréhension des règles par les jouæs, et pas à la création monétaire en elle-même. Cependant, certaines conclusions ne varient pas. De mon observation :
- les échanges sont toujours plus fluides en monnaie libre qu’en monnaie dette.
- il y a toujours un comportements de “mise à l’écart” en monnaie dette, qu’il n’y a pas en monnaie libre.
- les jouæs sont plus tendus en monnaie dette.
- des comportements “généreux” ont lieu bien plus souvent en monnaie libre qu’en monnaie dette.
Masse monétaire, prix des cartes
Un joueur m’a demandé “mais ce jeu n’est-il pas conçu pour favoriser la monnaie libre ?”. Je continue à chercher des biais dans notre organisation Or, dans cette partie et la précédente, on observe une masse monétaire en monnaie libre (~100) 5 fois supérieure à la masse monétaire en monnaie dette (~17), alors que le prix des cartes est seulement trois fois supérieur. Il y a donc environ 1,2 fois plus de monnaie disponible par carte : ceci me semble un biais non négligeable.
J’aimerais avoir une confirmation de cette observation par d’autres animateurs ou animatrices de Ğeconomicus, sur d’autres parties.
Un test est donc à mener en corrigeant ce biais :
- soit en augmentant les prix des cartes en monnaie libre,
- soit en trouvant comment baisser la masse monétaire en monnaie libre,
- soit en trouvant comment l’augmenter en monnaie dette. Concernant cette dernière possibilité, j’ai une proposition.
Taux de crédit
Chaque tour est supposé représenter 8 ans de vie. Les crédits sont ainsi accordés par la banque : 3 de principal, avec 1 d’intérêt demandé au bout de 8 ans, soit 33% du principal. En moyenne sur le siècle dernier, les taux de crédit se situent autour de 5% selon ce document. En utilisant un simulateur de crédit, je trouve pour 8 ans à 5%, un coût total de crédit autour de 25% du principal et non 33%. Il me semble pertinent d’organiser un Ğeconomicus où les crédit seraient de 4 de principal pour 1 d’intérêt. Ceci aurait comme conséquence d’augmenter la masse monétaire dette de 1,2… Justement ce que j’évoquais ci-avant.
Je sollicite l’avis de personnes ayant bien étudié les calculs de crédit, qui me sont passablement étrangers.
Conclusion : demandes pour l’organisation de futurs Ğeconomicus
Si vous organisez un Ğeconomicus, j’aimerais que vous preniez en compte mes remarques pour les confirmer ou les infirmer :
- Que se passe-t-il si on inverse l’ordre des parties ?
- Quelle est le rapport entre la masse monétaire “libre” et la masse monétaire “dette” ? Est-il en rapport avec le prix des cartes ?
- Si vous confirmez mes observations, pouvez-vous tester le jeu monnaie dette avec des crédits de 4 au lieu de 3 ?
Merci de votre lecture !
Matograine
1 commentaire
BenF · 30 août 2021 à 13 h 30 min
@Matograine : Merci pour ce compte-rendu détaillé, pertinent et force de proposition ! Ça me donne super envie d’y participer !!! Vivement le prochain, j’espère être dispo 🙂
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